5 heures… La nuit est d’un noir profond et il s’agit, à la lueur de la lampe frontale, d’éclairer suffisamment ses pas pour ne pas dévier du chemin que nous trace le guide.
Cela peut paraître élémentaire mais cela demande une grande concentration au démarrage lorsque les muscles sont encore raidis par le manque de sommeil et le froid.
Auparavant il avait fallu résoudre la complexité de la confection du nœud de huit qui doit être suffisamment solide pour vous retenir en cas de chute.
La neige, encore dure à cette heure, forme des sortes d’ondelettes modelées par le vent et dans lesquelles j’accroche facilement mes crampons avant.
Maintenant, il va falloir monter, sortir les peaux de phoque et les extraire du sac à dos où elles se sont collées à des tas d’objets qui ne leur étaient pas destinées ; c’est un véritable désenchevêtrement qui s’opère à la lumière blafarde de ma lampe : des chaussettes, l’écharpe et même la trousse de toilette de laquelle s’échappe la brosse à dents…
Dépêchons : il faut arriver au col au moment où le jour se lèvera ; je rythme ma foulée et mes conversions à celui qui précède et pour cela, aucune divergence, aucune variation, aucun arrêt n’est envisageable. Nous formons un grand serpent de lumières clignotantes sur le flanc de la montagne.
Le soleil, encore timide, nous accueille au passage du col. Pause. Et tout à coup une profusion de lumières, de reflets, de couleurs. Les séracs d’un bleu turquoise paraissent d’une innocence de cristal et pourtant, c’est une masse de glace vive sous laquelle il est plus prudent de ne pas s’attarder.
Au loin, en contrebas, près du monde des humains, un lac brille comme un miroir sous le rayonnement naissant du soleil.
La descente, malgré le poids du sac, est un pur plaisir de glisse dans une petite poudreuse légère.